
Salix babylonica
Leila Chkirate
Tulle, fil, bois, peinture, 107 cm x 85 cm
Limoges (87), France, 2020
Pour cette pièce, j’ai souhaité retranscrire plastiquement ce que m’évoquais le terme « Hécatombe », qui est synonyme de massacre et de destruction. Cependant, j’aime à lui donner d’autres vertus telles que la renaissance, l’espoir, la reconstruction et simplement la vie. C’est ce qui avait été défini par l’ensemble de la classe pour ce mot brutal: Hécatombe. Il est chronologique : l’avant hécatombe, le pendant et l’après. Il est mystique par sa racine Hécate qui est la déesse de la lune. Il est sociétal dans notre rapport à autrui et l’homme qui s’évertue à s’autodétruire. Et il est aussi environnemental, lorsque la planète s’insurge et reprend ses droits.
Ici, je fais le choix de broder, comme à mon habitude, un saule pleureur. En Occident, il est symbole de tristesse, de nostalgie et plus particulièrement de la mort avec ses branches qui tombent jusqu’au sol comme des larmes. En Orient, c’est tout le contraire, il est l’Arbre de vie, et représente l’immortalité, car il renait de ses rameaux. Au niveau spirituel, en Occident, le saule pleureur est considéré comme l’arbre le plus proche de la lune, tout deux sont liés à l’eau (car il recherche l’humidité), aux rêves et aux émotions. Cet arbre, qui peut atteindre de très grandes dimensions, et sa forme inspirent différents sentiments. Mais il représente dans un premier temps la force, la masse et la chute.
Je l’ai brodé en blanc, afin de lui donner toute la douceur lunaire que je souhaitais retranscrire. Le cadre en tulle permet un fond transparent et l’arbre existe alors par sa propre forme. J’ai laissé ses branches tomber hors du cadre, librement au-delà du sol et de la mort, dans le but qu’elles renaissent et existent encore.
La création de cette pièce fut un investissement mental (découragement face à l’ampleur du travail et la patience que la broderie exige), et physique (position très peu confortable pour broder ce grand format), mais dans le but de créer une pièce paradoxale qui symbolise à la fois la mort et la renaissance.
Il est également intéressant d’évoquer le nom scientifique du saule pleureur : Salix Babylonica, donné par Carl von Linné un botaniste suédois du XVIIIe siècle, en rapport avec la religion chrétienne. En effet, dans la Bible, Babylone, qui abrite la tour de Babel, symbolise la décadence de l’humanité avec sa corruption et son orgueil. Comme le décrit la Bible dans ce verset : « Sur son front était écrit un nom, un mystère : Babylone la grande, la mère des impudiques et des abominations de la terre. » (Apocalypse 17:5 Louis segond)