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hécate

Pogrom à deux mains

Notre premier outil : la corporalité. Dans son environnement, notre corps est le témoin. Il en devient créateur par sa manualité. Nous somatisons à travers cette enveloppe. L’anatomie se disloque, les muscles se raidissent, l’estomac crie famine, le cerveau est à deux doigts d’exploser, les poings se serrent, les pieds s’ancrent fermement, mais pour combien de temps ? Combien d’hécatombes traverserons-nous encore ?

 

Hécatombe à Hécate, dite « déesse de la Lune », met en avant cette symbolique de la nouvelle lune, autrement dit, la mort. La mort est l’un des aspects inexorables de notre existence : quand l’être humain ne sait résoudre certaines questions, il invente des cultes et des espérances. Le corps se voit marqué d’une éthique culturelle et religieuse ; et si ce n’est un corps contemporain, c’est a minima son image qui en a été fortement impactée. Notre propos s’attarde sur les hécatombes actuelles, des actualités qui concernent l’individu et sa place au sein de l’Humanité et son milieu.

À travers la croyance, nous ne souhaitons pas hiérarchiser quiconque en fonction de ses convictions personnelles. Cependant, nous croyons en une connexion énergétique entre toutes choses naturelles : une attirance mutuelle ainsi qu’un échange permanent.

 

Le XXe siècle fut témoin de l’hécatombe de la foi religieuse mais ce fut pour laisser place au culte du corps télévisé, à la « culture de la bêtise » et de la  pornographie. À l’inverse, la perte de ces repères conforte certains à s’engouffrer dans les voies de la croyance extrémiste.

« Notre société narcissique et individualiste promeut une nudité hygiénique du corps en l’associant à des valeurs comme la jeunesse, la beauté, la santé, la forme et la minceur*. »

Depuis plusieurs décennies déjà, il se dit que l’enveloppe charnelle se libère : nous vivons le siècle du corps. Et pourtant, il semble qu’encore au XXIe siècle la corporalité subisse une pression sociale énorme. 

Selon Roger Dadoun, l’Homme a perdu ce lien qui fait de lui un animal social, qui a besoin d’autrui pour vivre.

 

*ÉVRAD Franck, Sexyvilisation, figures sexuelles du temps présent, Paris, Punctum, p. 72

L’image que peut donner Hécate avec ses trois têtes se rapporte aux trois phases de l’évolution humaine correspondantes de l’évolution vitale puisqu’elle est liée aux cultes de la fertilité. N’est-elle pas l’icône d’une femme hybride rendue monstrueuse de par des croyances diabolisant la féminité ? Comment se place ce corps dans la société ?

Les croyances permettent une certaine évasion de l’esprit au profit de notre enveloppe corporelle.

« Le premier enfermement est celui de notre corps**. »

 

On dit que croire en quelque chose nous fait exister. C’est cette existence qui est l’essence interrogative de nos artistes. Indépendamment de toutes idéologies, ils questionnent le lien entre des concepts impalpables, ces choses qu’on ne peut saisir que par l’entendement, et notre propre existence. Les artistes n’oublient pas que « la croyance, joue un rôle crucial dans presque tous les domaines de l’existence et de la société : amour, amitié, échanges, travail, sciences, santé, droit, politique, économie, finances. Dans un monde qui, bien souvent, paraît gouverné par la

violence, par la méfiance, la tricherie et la peur, dans ce même monde, croyance et confiance forment ensemble un ciment sans lequel toute société s’écroulerait*** ».


Les limites de nos propres croyances sont testées par Baptiste Monichon. Constance Huard nous propose une désacralisation du corps en le ramenant par l’expérience graphique, vive, impulsive ou délicate à ses expressions élémentaires. Leila Chkirate interroge la croyance à travers le motif du saule pleureur, figure de la nostalgie en Occident, source de vie en Orient et nous donne à voir les différences représentationnelles selon les pays. Enfin, les croyances et leurs rayonnements sont mis en exergue au sein de la pièce de Pénélope Pillas et Emilie Ramisse ; elles proposent une ode à Hécate et rappellent son influence sur l’ordre naturel.

 

 

**DAUBANES Nicolas, «La vie de rêve, Chapelle Saint-Jacques – centre d’art contemporain», 2016, Maison Salvan, Labège.

***HENSCH Thierry, La croyance , Rosny sous Bois, Bréal, 2003.

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