
demain
Sensibilité mouvante
On dit que le philosophe qui remet tout en doute, celui qui dépasse jour après jour sa pensée, est voué à être malheureux de voir qu’il ne peut pas atteindre l’absolu. Sommes-nous heureux, nous, la génération qui dit-on « ne croit plus en rien » ? Sommes-nous heureux de constater que l’Homme peut provoquer autant d’hécatombes ?
Nous souhaitons communiquer nos inquiétudes et espoirs pour notre avenir, déjà « incertain ». Nous ne pouvons pas concevoir un monde qui s’ébranle au XXIe siècle ; le souhait est un retour à des questions de priorité sur l’être humain. Nous ne faisons plus partie de cette grande Histoire. Les pandémies vont-elles s’enraciner comme un phénomène récurrent, à l’image des conflits qui perdurent malgré les espoirs d’un monde pacifié ? Comment appréhender ce futur conflictuel dans notre environnement intellectuel ?
Nos objectifs ont changé. Nos fondements ont changé. Nous sommes touchés par ce qui nous entoure. Notre propos ne réside pas dans le simple relevé de faits, ni dans les constats ; nous entendons insuffler de l’art dans ce monde où l’humanité se soustrait à une norme infinie. Roger Dadoun porte un regard sur cette sexyvilisation qui ordonne à l’homme de vivre dans la haine permanente de l’autre, la jalousie, l’enrichissement personnel et la culture d’un corps hypersexualisé. Comment au quotidien, l’homme vit-il cette violence ? Qui est supérieur à l’autre ? Y a-t-il supériorité ?
Peur de l’autre, peur de soi, peur de l’avenir : nous avons incorporé cette image du cocon familial dès notre plus jeune âge qui tend, aujourd’hui, à se détruire. Notre être peut se voir brisé par des répercussions parentales, par leurs traumatismes psychiques.
Un enfant n’a pas forcément accès à sa propre personne. Et pourtant, il est conscient de certaines choses. D’après l’étude parue en 2010 de l’Institut français d’opinion publique, plus de la moitié des enfants de 7 ans affirment que le monde est juste ; mais ceux de 10 ans ne sont que 28 % à affirmer que la vie est juste. En 2020, que ressentent les enfants ?
La société est créée pour que tout le monde y soit dépendant alors quand elle vient à s’effondrer, tout le monde en paie les frais.
Nous prenons la parole en tant que citoyen du monde ; nous y sommes présents, conscients et vivants. Nous tenons à nous engager artistiquement sur les fronts qui sont les nôtres : l’expression, l’égalité, l’éducation, l’imagerie, l’environnement. Nous ne souhaitons pas être écrasés par les rouages sanglants de la société.
*TENENBAUM Gérald, Mathématicien et écrivain, Le problème de Nath, 2007.
** THIBON Gustave, L’équilibre et l’harmonie, 1976, Fayard, Broché, Paris, France. « Le mythe des « lendemains qui chantent » attire les foules comme la lampe les papillons. L’avenir étant muet, rien n’est plus facile que de lui faire chanter la chanson qu’on veut : aucun risque de démenti dans l’immédiat… ».
Nous cherchons à créer notre indépendance qu’elle soit physique ou mentale :
« Pense par toi-même, toujours, toujours, et jamais n’accepte de rien ni personne qu’il le fasse à ta place*.»
Nous sommes contraint.e.s à construire, inconsciemment, la projection mentale d’une prison intellectuelle. D’ailleurs, la prison est un endroit bien étrange : elle est le symbole de l’ingérence des relations humaines, d’un monde brutal où la violence s’exerce jusque dans les tribunaux. Afin de ne pas faire subir à autrui ce monde en proie aux injustices, certain.e.s d’entre nous renoncent à l’idée d’enfanter. Les ennemis sont les autres, en dépit de de la situation dans laquelle on les met ou les laisse, conditionnés par la société. Se protéger soi-même, protéger les autres, avoir son propre état d’esprit. Se met alors en place une phase de réparation intellectuelle. En quoi la réparation est-elle une manière de créer un homme nouveau ? Se connaître soi-même ? Se retrouver ou se trouver ? L’art peut-il être un échappatoire psychique ?
Échapper aux afflictions du lendemain, voilà la proposition faite par ces artistes. Ils nous proposent leurs visions sensibles et ineffables de demain, certes emprunts à l’inquiétude et au doute, mais ils ne délaissent jamais l’espoir des « lendemains qui chantent** ».
L’inquiétude et l’effroi actuels entrent en interaction avec la délicatesse du geste lent et appliqué de Lisa Levasseur nous amenant à voir l’espoir et une foi certaine en l’humanité de demain. Quant à elle, Alina Baer entretient l’espoir à travers un patient processus de pliage et de partage de grues en papier, symbole de sagesse et d’élévation. Le projet de 9136 s’appuie sur l’espoir que demain sera meilleur en nous proposant un univers coloré qui n’en reste pas moins désabusé. Morgane Lines établit un travail photographique introduisant l’écriture par la technique du light painting. Elle questionne le « renouveau » et établit un lien de cause à effet entre un événement et la condition psychique et émotionnelle d’une personne. La passivité face à notre environnement est mis en exergue dans le montage vidéo de Marie Degang qui entend bien nous faire réagir pour changer demain. Enfin, Quentin Gatof nous propose de rentrer dans la sphère intime avec ce geste d’exhumation pour exhiber un passé faisant sens pour la postérité.
![]() Adressé à...Alina Baer | ![]() Murphy9136 | ![]() Memoriae informalisQuentin Gatof |
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![]() Hécatombe à la RecrudescenceMorgane Lines | ![]() Nature EffervescenteLisa Vallot Levasseur | ![]() Confort hydriqueMarie Degang |