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Memoriae informalis

Quentin Gatof

Installation in situ, étalage d’environ 600 documents, boite en bois

Tours (37), France, 2020

Écrit sur le papier jauni d’un vieux carnet comme dans ces silhouettes troubles de photos oubliées, soumis à l’oubli et promis au néant, le devoir de mémoire se doit d’être proclamé à nouveau pour ne pas voir disparaitre avec lui ce que nous sommes aujourd’hui et ce que nous avons été hier. Face à l’hécatombe, il convient de rappeler qu’à nos nombreuses sépultures nos cimetières n’en sont pas les uniques gardiens. Comment ne pas voir en ces vulgaires boites en cartons ou en bois la poursuite logique d’un cheminement mémoriel, car si l’on enterre bien nos corps, les coffres contenants ce qu’ils laissent derrière eux demeurent brassés par l’air à la lueur pâle d’un placard en désordre. Nous y replongerons quelques fois, emplis d’une nostalgie à la fois douce et amère, sans jamais prendre le temps d’en voir l’intégralité. Les restes de ces vies sont donc, à défaut d’être mis en terre, mis en boîte, compactés jusqu’au bord d’un cercueil bien étroit pour une vie si remplie.

Je me propose ici d’en faire l’autopsie, d’ouvrir ce qu’aucun désignerait comme une « boîte aux trésors » pour en découvrir les moindres recoins. La mémoire entame sa conquête de l’espace, s’étalant au sol, et dans une dynamique tentaculaire, recouvrant bientôt toute la froideur du béton. Ici se mêle photos, lettres, carnets. Documents officiels et officieux, intimes et publiques. Jusqu’aux plus banales des images deviennent les pierres fondamentales d’un édifice bâti à la sueur de toute une existence. Chaque élément ayant son histoire, mais étant noyé dans la masse informe composée par l’accumulation frénétique d’archives intimes. Mon geste devient celui de l’exhumeur qui expose au regard de tous, quantité d’images que seule une poignée de personnes aurait  dû pouvoir contempler, faisant ainsi voler en éclat la frontière de l’intime en sortant du cadre familial pour glisser dans le cadre de l’exhibition.

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