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Avant, pendant, après
Tragique, sacrifice, massacre

100 hécatombes à...
Sang et tombes...
Déclin et renouveau
Hécatombe à... Hécate
Cycle, ère, aube
100 sonnets, une ode
Une pièce, un texte
Hécatombe manifeste

L’hécatombe possède de nombreux sens. Nous tenterons d’en donner une définition aussi complète et précise que possible, selon notre point de vue d’étudiant.e.s et d’artistes.

 

 

Du grec hekatombê, « hécatombe » signifie « sacrifice de cent bœufs » ou, « grand sacrifice public », issu de hekaton, « cent », et bous, « bœuf »* . Dans la Grèce antique, on célébrait tous les ans la fête des Panathénées, une cérémonie donnée en l’honneur de la déesse Athéna, pour sa protection divine. Ce rituel consistait à sacrifier cent bœufs, offerts aux dieux par les habitants de la cité**. La fête des Panathénées avait lieu du 23 au 30 du mois d’hécatombéon (juillet-août). Ce genre de cérémonie étant assez coûteuse, généralement un bœuf ainsi que quatre-vingt-dix-neuf autres animaux de moindre valeur étaient sacrifiés. 

 

Dès le départ, le terme « hécatombe » renvoie à une triple dynamique, il désigne à la fois un moment d’action, un constat et une intention. Une action dans sa dimension tragique liée à l’acte du massacre, ou, pour revenir à la genèse du terme, du sacrifice. « Hécatombe de... ». Un constat dans sa temporalité, l’hécatombe en tant que qualificatif d’un état situationnel. Par définition, l’hécatombe est l’après-acte mais suppose également la revitalisation qui lui succèdera. « Une hécatombe ». Une intention dans le geste rituel originel du sacrifice de cent bœufs, mais aussi dans sa dimension artistique rattachée à l’hommage. « Hécatombe à... ». 

 

En France, le mot apparaît dans la langue au XVIe siècle pour désigner le massacre d’un grand nombre de personnes. Depuis, « hécatombe » désigne aussi bien l’extinction d’une espèce que le grand nombre d’échecs lors d’un examen par exemple. La locution « C’est l’hécatombe ! » est parfois employée sur un ton ironique, voire même cynique. De fait, lié à toutes ces définitions, notre propos sera mythologique, historique, parfois politique, mais avant tout artistique. D’ailleurs, une hécatombe désigne un recueil de cent sonnets. L’unique exemple trouvé s’intitule « L’hécatombe à Diane » d’Agrippa d’Aubigné. 

 

En l’occurrence, dédier une hécatombe à la femme aimée revient à la placer sur un piédestal et la sacrer, l’élever au statut de muse, déesse. Selon M. Rocheblave, Diane « éprouvera le supplice des supplices, un supplice que Dante oublia dans son Enfer : le cœur de son amant saignera sur elle*** » ; le châtiment de Diane serait de sentir le cœur d’Agrippa saigner sur elle, éternellement. Cette histoire tragique sous-entend un écho à Hécate, déesse de la Lune et des morts, figure puissante de la mythologie grecque.

Cette déesse relierait les enfers, la terre et le ciel. Elle est aussi la déesse de l’ombre, qui suscite les cauchemars et les terreurs nocturnes, ainsi que les spectres et les fantômes. Elle est la magicienne par excellence et la maîtresse en sorcellerie à qui font appel tou.te.s les magicien.ne.s. Dans La Théogonie****, il est dit neuf fois qu’elle fait en toute facilité ce que veut son cœur. Une tradition plus tardive en a fait la mère des magiciennes Médée et Circé. Les représentations que nous connaissons d’elle sont une apparition sous une forme animale, jument, chienne, ou louve, et une statue à trois têtes, celles de Séléné, Artémis et Perséphone qu’elle a protégée*****. Terrifiante et maternelle, la Lune nous a tous accompagné à un instant de notre vie ; nous l’associons aisément avec la nuit. « Hécatombe à demain » est une expression qui possède un double sens, à la fois empli d’inquiétude concernant l’évolution du monde et sa potentielle destruction par l’homme, et traversé par une volonté naïve de repousser l’échéance au lendemain.

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Nous, étudiant.e.s et artistes, vivons une longue nuit, dont nous ne sommes pas certain.e.s de vouloir nous éveiller ; dont l’échéance s’annonce être hécatombe. La recherche en arts nous semble essentielle à l’évolution de la pensée de l’Homme contemporain et nous souhaitons exposer notre regard sur le sujet. Alors, l’énoncé prend sa forme finale puisqu’interprétable en tant qu’« Hécatombe à deux mains ». Ce jeu artistique s’exprime à travers l’exposition dans son ensemble et à chaque production « à deux mains »,  à travers la conception artistique elle-même. Ce qui en ressort est une nouvelle hécatombe : l’œuvre de son aboutissement à sa réception. 

 

La conjecture actuelle nous a conduit à penser une exposition sous une forme dématérialisée. Nous entendons, par conséquent, la revendication d’un free art : nous avons pris l’initiative de partager numériquement nos travaux de recherche afin de s’ouvrir à un public plus large. Il y a trop de gens qui n’ont accès à aucune forme d’art libre ; nous pensons aux dictatures, aux États où le dessin de presse peut être lourdement puni, où la performance publique est illégale, où les expositions montrées ne sont que propagande. Nous ne nous retrouvons pas dans le marché de l’art actuel. Pourquoi tout devrait avoir un prix ? Une pensée a-t-elle un prix ? 

 

En général, on sent un désintérêt croissant pour la culture qui semble réservée aux plus aisés. De nos jours, même la possession de l’art est réservée à une élite, matériellement mais aussi spirituellement. Nous souhaitons partager la chance de pouvoir créer et de participer au processus de l’art. Nous pensons aux personnes qui subissent le diktat d’un pays où l’artiste est banni ; Platon disait déjà qu’il était dangereux pour la cité.

Artistes et étudiant.e.s en Master Recherche Arts Plastiques souhaitons revendiquer notre place au sein de l’Humanité; nous souhaitons exposer notre regard, exprimer nos ressentis, formuler nos idées. Nous reflétons la nouvelle génération, ses déceptions, ses envies. Nous entendons vivre dans un monde où la réussite n’existe pas car, comme le dit habilement Raymond Aron, « la réussite elle-même crée l’échec »******. L’échec, c’est notre hécatombe mondiale. Nous envisageons le vivre comme un échange mouvant, évoluant, ni noir, ni blanc ; nous envisageons l’imparfait, l’utopie. L’art nous apprend la différence ; nous l’invoquons. 

*« Hécatombe », définition actuelle, Dictionnaire de l’Académie française, https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9H0307

 

**« L’origine de ces fameuses expressions : « une hécatombe », Projet Voltaire, juillet 2012, Consulté le 22  mars 2020 in https://www.projet-voltaire.fr/origines/expression-une-hecatombe/

 

***« Pour le commentaire d’Agrippa d’Aubigné le dernier sonnet de l’hécatombe à Diane », Jean Plattard, La Revue du Seizième siècle, p.123-125, 1930. Consulté le 20 mars 2020 in https://www-jstor-org.ezproxy.u-bordeaux-montaigne.fr/stable/41853283?seq=1#metadata_info_tab_content 

****HÉSIODE, La Théogonie, Flammarion, 2001.

 

*****CASSIN Barbara, « HÉCATE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 20 mars 2020. URL : http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/hecate/

 

******ARON Raymond, Les désillusions du progrès - Essai sur la dialectique de la modernité, Éditions Gallimard (Coll. Tel), 1969 (première édition en 1965 pour l’Encyclopædia Britannica)

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